Les douleurs aiguës, dues par exemple à une brûlure, une fracture, une appendicite ou un abcès dentaire, sont utiles car ce sont des alertes. Elles signalent une lésion, une infection ou une maladie, permettant ainsi à l’organisme de réagir ou à la personne de se soigner rapidement. Ces douleurs, vives, relativement brèves et réversibles, sont soulagées grâce à des traitements avant tout médicamenteux, antalgiques ou, si besoin, anti-inflammatoires, mais également des patchs chauffants pour les douleurs musculaires, ou à effet froid, pour les douleurs articulaires inflammatoires (entorses, contusions), surtout. Mais face à des douleurs qui perdurent ou qui reviennent régulièrement, donc chroniques, il en va tout autrement.
Parcours du combattant
Les douleurs chroniques n’ont pas d’utilité, sauf celle de rappeler que la maladie qui en est à l’origine est continue et exige un traitement permanent, qu’une lésion n’est pas totalement guérie, que des nerfs ont été lésés (après une intervention chirurgicale ou un zona) ou sont devenus hypersensibles à la douleur alors que la cause initiale a disparu ou encore que le système douloureux, situé dans le système nerveux central, dysfonctionne, ce qui est le cas dans la fibromyalgie, notamment.
Quand la douleur ne cède pas aux traitements usuels, elle s’installe peu à peu et devient obsédante, affecte le moral et perturbe la vie familiale, professionnelle et sociale. Les douleurs chroniques s’accompagnent souvent de troubles du sommeil, d’anxiété, voire de dépression. La personne touchée, découragée, se renferme. C’est un constat, en France, la prise en charge de la douleur chronique relève du parcours de combattant.
Des chiffres préoccupants*
- En France, les patients douloureux chroniques souffrent pendant 5,7 ans, en moyenne. Parmi eux, 7,3 % rencontrent un spécialiste de la douleur.
- 14 consultations médicales, environ, sont réalisées par une personne atteinte de douleurs chroniques.
- 28 % des individus concernés rapportent que la douleur est parfois si forte qu’ils ont envie de mourir.
*Livre blanc de la douleur 2017, Société française d’étude et de traitement de la douleur (SFETD) ; La prise en charge de la douleur en France : une priorité de santé, AFVD et Fibromyalgie France.
Délais de consultation trop longs
Après trois plans nationaux de lutte contre la douleur qui ont permis, entre 1998 et 2010, de créer des centres d’évaluation et de traitement de la douleur (CETD) et des structures douleur chronique (SDC), et de former des professionnels de santé, les efforts ont été stoppés. Faute de moyens financiers et humains suffisants, les délais pour un premier rendez-vous sont de plusieurs mois. Aujourd’hui, moins de 3 % des 12 millions de Français douloureux chroniques ont accès à une prise en charge spécialisée. Or, plus celle-ci est tardive, plus la situation se complexifie et plus les possibilités d’amélioration sont limitées.
Quand parle-t-on de douleur chronique ?
Une douleur est considérée comme chronique lorsqu’elle :
- est présente depuis plus de trois mois ;
- persiste plus d’un mois après la résolution du problème qui en est à l’origine ;
- disparaît et réapparaît pendant des mois ou des années ;
- est associée à un trouble chronique (cancer, diabète, arthrite, etc.) ou à une blessure qui ne guérit pas.
Pas de fatalisme ! Des solutions existent
Le choix du traitement – médicament ou technique – dépend du type de douleur chronique et de son intensité, mais aussi de l’âge et du profil de la personne. Passage en revue et précautions d’emploi.
Plusieurs types de douleur chronique existent, dont quatre principaux :
- les douleurs nociceptives, ou périphériques, dues à un excès d’influx douloureux dans le système nerveux, provoqué par une agression de l’organisme (lésion, inflammation, choc, infection, maladie, etc.). C’est notamment le cas de l’arthrose ;
- les douleurs neuropathiques liées à une atteinte ou une pression sur un nerf. Dans la neuropathie diabétique, par exemple, un taux élevé de sucre dans le sang sur une longue période va entraîner l’apparition de lésions nerveuses ;
- les douleurs mixtes qui associent une composante inflammatoire et une composante neuropathique, comme dans les lombosciatiques ;
- les douleurs nociplastiques, liées à un dysfonctionnement des systèmes de contrôle de la douleur, sans lésion décelable : fibromyalgie, syndrome de l’intestin irritable, céphalée de tension, etc.
Quelle que soit la cause suspectée d’une douleur persistante, il faut consulter sans trop tarder car plus on attend, plus celle-ci risque de s’aggraver, plus on risque de perdre de la mobilité, et plus il faudra traiter longtemps ou même faire appel à des techniques pointues, mises en œuvre dans les centres d’évaluation et de traitement de la douleur. Dans un premier temps, le médecin traitant procédera à un examen et à un interrogatoire, cherchera à identifier la cause de la douleur, au besoin à l’aide d’examens d’imagerie et/ou d’analyses de sang, et en évaluera l’intensité. Ensuite, il prescrira un traitement ou adressera le patient à un spécialiste.
Paracétamol
S’il est avant tout utilisé dans les douleurs aiguës, chez les enfants comme chez les adultes, le paracétamol, disponible en pharmacie sans ordonnance, est également prescrit dans les douleurs chroniques de nociception, comme l’arthrose et la lombalgie, et peut suffire si elles sont d’intensité modérée. En revanche, il est très peu efficace dans les douleurs neuropathiques, telles que le zona, et les douleurs nociplastiques, comme la fibromyalgie. À noter que le paracétamol est contre-indiqué en cas de maladie du foie.
À savoir : une prise à intervalles réguliers est bien plus efficace qu’une prise à la demande, « quand ça fait mal », car le circuit de la douleur, une fois réactivé, est plus difficile à calmer. S’il est prescrit, suivre à la lettre les indications du médecin ; en automédication, respecter scrupuleusement la dose maximale de 1 g par prise, sans dépasser 3 g par 24 heures, et avec un intervalle de quatre à six heures minimum (huit heures en cas d’insuffisance rénale sévère) entre les prises, et pas plus de cinq jours.
Du cannabis thérapeutique ?
D’après les premiers résultats de l’expérimentation en cours, l’efficacité du cannabis médical (CBD et THC) – essentiellement pour soulager les douleurs neuropathiques réfractaires – varie d’une personne à l’autre : seuls 40 % des patients sentent une vraie amélioration de leurs symptômes (douleurs moins intenses, meilleure qualité de vie). Ce n’est pas la solution miracle mais une arme supplémentaire. Aujourd’hui, le cannabis médical est disponible seulement dans les structures hospitalières spécialisées dans les douleurs chroniques.
Anti-inflammatoires non stéroïdiens
Ibuprofène, kétoprofène, flurbiprofène mais aussi acide acétylsalicylique (aspirine), diclofénac et ténoxicam peuvent soulager des migraines chroniques ou récidivantes, des douleurs lombaires, des poussées d’arthrose, mais pas neuropathiques. Seul l’ibuprofène jusqu’à 400 mg est disponible en pharmacie sans ordonnance.
À savoir : la dose maximale est de 400 mg par prise et de 1 200 mg par 24 heures, avec un intervalle de six à huit heures entre chaque prise. Les principaux effets indésirables sont d’ordre digestif (nausées, douleurs abdominales) pouvant, à long terme, être graves (saignements de l’estomac ou de l’intestin).
Opioïdes
Le recours aux dérivés de l’opium et de la morphine (tramadol, codéine, oxycodone, fentanyl, etc.), sur prescription médicale uniquement, est surtout nécessaire dans les douleurs intenses du cancer, lorsque les autres antalgiques ne suffisent pas, mais parfois aussi dans l’arthrose, les lombalgies et d’autres douleurs rebelles. Du fait des effets secondaires (constipation, nausées, somnolence, rétention urinaire, dépression respiratoire, dépendance, etc.), la prise d’opioïdes est limitée à trois mois. La prescription peut être réévaluée, notamment dans le cadre des soins palliatifs.
À savoir : depuis le 1er décembre 2024, les médicaments contenant du tramadol, de la codéine et de la dihydrocodéine, seuls ou associés à d’autres antalgiques (paracétamol, ibuprofène, etc.), sont délivrés uniquement sur présentation d’une ordonnance sécurisée, qui remplit un certain nombre de critères visant à la rendre infalsifiable, sur laquelle le prescripteur doit inscrire en toutes lettres le dosage, la posologie et la durée du traitement.
Quand la douleur postopératoire devient chronique
La douleur ressentie après une intervention chirurgicale peut parfois devenir chronique, notamment quand la douleur aiguë n’a pas été correctement soulagée ou en cas d’atteinte du système nerveux. Par exemple, après une amputation, une opération du thorax, un cancer du sein, une prothèse de hanche… Les centres de la douleur labellisés structures douleur chronique (SDC), comme la Clinique Bouchard de Marseille, proposent une prise en charge globale en ambulatoire ou en hospitalisation, et associent souvent plusieurs approches : injections de toxine botulique, technique de neuromodulation, hypnose, kinésithérapie, etc.
Antalgiques adjuvants
Dans les douleurs chroniques, un seul médicament est rarement suffisant. Il faut souvent en associer un autre pour renforcer ou compléter l’action.
- Les anesthésiques locaux (lidocaïne) sous forme de patchs agissent en bloquant la transmission de l’influx nerveux dans les douleurs neuropathiques post-zona. Ou, en cas d’échec, les patchs contenant de la capsaïcine (un dérivé du piment), mais ceux-ci ne sont prescrits qu’en consultation spécialisée de la douleur.
- Certains antidépresseurs sont efficaces dans les douleurs neuropathiques principalement, mais peuvent aussi soulager des patients souffrant de fibromyalgie : des inhibiteurs de la recapture de la sérotonine et des antidépresseurs imipraminiques permettent d’activer des circuits antidouleurs naturels. Au prix de quelques effets indésirables, parfois : nausées, somnolence, prise de poids.
- Des myorelaxants peuvent être utiles dans le mal de dos chronique pour leur effet relaxant sur les muscles, souvent contractés.
- Des antiépileptiques de la famille des gabapentinoïdes sont utilisés dans les douleurs neuropathiques, après un zona ou en cas de névralgies rebelles de la face, par exemple. Un autre antiépileptique (topiramate) est efficace en traitement préventif de la migraine chronique.
Neurostimulation électrique transcutanée
Cette technique de stimulation du système nerveux par l’envoi d’impulsions électriques de faible intensité près de la zone douloureuse via des électrodes placées sur la peau a pour but de modifier la transmission de l’influx douloureux au cerveau. Le courant est généré par un appareil portatif qui permet au patient de poursuivre ses activités. L’effet dure tant qu’on l’applique. Utilisée depuis des années par les kinésithérapeutes et les chiropracteurs, la neurostimulation permet de soulager les douleurs musculaires et articulaires (lombalgie, arthrose, raideurs, etc.), sans médicament et de façon non invasive. L’appareil, prescrit par les spécialistes de la douleur, se loue ou s’achète en pharmacie.
Injections
En attendant les résultats de plus amples études démontrant l’efficacité des injections d’acide hyaluronique et de plasma (non prises en charge), l’extrait de champignon de Paris, autorisé dans l’arthrose du genou, semble avoir un effet pendant au moins six mois sur la douleur, mais il n’est pas encore remboursé.
Les micro-injections de toxine botulique (utilisée en dermatologie esthétique et en neurologie dans les contractions involontaires du cou et de la face), pratiquées dans les zones douloureuses, sont efficaces dans le zona et dans d’autres douleurs neuropathiques localisées, mais elles n’ont pas d’autorisation dans ces indications.
Aujourd’hui, seules les infiltrations de cortisone dans les douleurs d’arthrose du genou, de la hanche, de la main et de l’épaule sont prises en charge. Pas plus de deux ou trois fois par an pour une zone.
Mal au coccyx !
C’est souvent quand il est fêlé ou fracturé à la suite d’une chute brutale que l’on se préoccupe de ce drôle d’os en forme de bec (son nom vient d’un mot grec signifiant « coucou »), situé à l’extrémité de la colonne vertébrale. Mais une anomalie – coccyx trop droit, insuffisamment incurvé – ou un lien avec un problème lombaire peut occasionner des douleurs persistantes. Le coccyx étant un os, il peut aussi donner de l’arthrose, en général parce qu’il a subi un traumatisme des années auparavant, notamment dans l’enfance. Les solutions diffèrent en fonction de l’origine des douleurs : infiltration, chirurgie, ostéopathie…
Bouger et se relaxer, indispensable
Les traitements, même combinés, ne suffisent pas toujours à soulager complètement les douleurs chroniques. Place alors aux activités physiques et décontractantes, toujours bénéfiques.
Cesser toute activité n’est pas une bonne solution quand on a mal. Le réflexe est fréquent, notamment en cas de sciatique, de lombalgie, d’arthrose. Si le repos peut être nécessaire au tout début, l’immobilité complète, en position allongée, est mauvaise. L’activité physique (vélo, marche, natation, etc.) et la kinésithérapie sont utiles car le mouvement est un anti-inflammatoire naturel.
Se mobiliser
L’activité physique permet de préserver la mobilité en redonnant de l’amplitude aux articulations douloureuses. Elle renforce en même temps les muscles qui soutiennent les articulations, mais aussi la colonne vertébrale, et permet de ne pas les abîmer davantage. Même en cas de crise (arthrose, sciatique, etc.), il faut bouger pour ne pas aggraver la situation, mais en douceur. Yoga, tai-chi et Pilates, entre autres, sont recommandés à condition que les mouvements soient lents et, si possible, supervisés.
Apprivoiser la douleur
Toutes les douleurs chroniques tirent un bénéfice de l’activité physique qui est également bonne pour le moral, bien souvent bas quand on a mal. D’autant que les troubles psychologiques, fréquents, amplifient les douleurs. Pour se décontracter, ne pas se laisser envahir par le stress et apprivoiser la douleur, l’idéal est de choisir une méthode qui vous correspond. Relaxation, sophrologie et méditation de pleine conscience sont déstressantes et diminuent tensions et ruminations. L’hypnose et les thérapies cognitivo-comportementales aident à mettre la douleur à distance.
À noter que depuis juin 2024, dans le cadre du dispositif Mon soutien psy, jusqu’à douze séances chez un psychologue sont prises en charge
Les atouts du thermalisme
Les soins d’hydrothérapie assurés dans les stations thermales sont particulièrement adaptés au traitement des douleurs chroniques. Les pathologies rhumatologiques sont les plus fréquentes (Aix-les-Bains, Dax, Gréoux-les-Bains, etc.). Certaines stations proposent des cures Fibromyalgie en complément de la cure Rhumatologie : Allevard-les-Bains, Lamalou-les-Bains. D’autres, spécialisées en neurologie, prennent en charge des pathologies très douloureuses touchant le système nerveux (maladie de Parkinson, séquelles de zona, etc.) : Néris-les-Bains, Ussat-les-Bains. Pour le syndrome de l’intestin irritable, les colites diverticulaires, les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin : Châtel-Guyon, Plombières-les-Bains… Les cures conventionnées sont prises en charge à 65 % sur prescription médicale et après accord de la caisse d’Assurance maladie. Elles durent 18 jours et assurent quatre soins par jour.
Infos +
Livres
- Le mal de dos, une solution : l’activité physique !, d’Alexandre Landry (Éditions In Press, 13,90 €).
- Parcours d’une douloureuse chronique, du Dr Géraldine P. (Éditions Amalthée, 12,50 €).
Sites
- Association française de lutte antirhumatismale : aflar.org
- Fibromyalgie France : fibromyalgie-france.org