Le sein, modèle pour la prise en charge des cancers

Le sein, modèle pour la prise en charge des cancers
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Si le cancer du sein a été le premier des cancers à bénéficier d’un programme de dépistage, beaucoup reste à faire, à toutes les étapes de la prise en charge, pour qu’il devienne seulement un incident de parcours.

Avec au moins 60 000 nouveaux cas et 12 000 décès annuels, le cancer du sein est le plus fréquent des cancers féminins en France. Il est aussi la première cause de décès par cancer, l’efficacité des traitements étant maximale lorsque la maladie est découverte tôt.

Dépistage organisé

Pour augmenter les chances de rémission, voire de guérison, le dépistage est la clé. Il doit être le plus précoce possible, avant même que ne se manifestent les premiers signes du cancer (boule dans le sein, notamment). On parle sinon d’examens diagnostiques et non plus de dépistage.

Pour repérer un cancer encore « silencieux », on peut compter sur le dépistage organisé qui s’adresse aux femmes de 50 à 74 ans, qui sont invitées tous les deux ans par l’Assurance maladie à réaliser une mammographie et un examen des seins. Or, à peine la moitié honore ce rendez-vous. Par ailleurs, le risque qu’un cancer survienne ne s’arrête pas à 74 ans, et compte tenu de l’augmentation de l’espérance de vie en bonne santé, dépister reste intéressant au-delà de 75 ans. Là encore, la mammographie bisannuelle est la plus informative. L’autopalpation n’a en revanche jamais fait la preuve de son utilité, quel que soit l’âge, en termes de nombre de cancers dépistés ou de survie.

Pas un mais des cancers du sein

Les cancers du sein représentent le quart des cancers féminins. En France, près d’un million de femmes vivent avec un cancer du sein.

La chirurgie, qui consiste à enlever tout ou partie du sein (mastectomie), et, au décours, les séances de radiothérapie restent la base du traitement. La suite des événements dépend de la nature de ces cancers que l’on « décortique » de mieux en mieux. Il en existe en effet de différents types, et un traitement qui conviendra à une femme et à sa tumeur peut être inefficace pour une autre.

Les plus fréquents des cancers du sein (65 %) expriment des récepteurs hormonaux (RH)* à la surface des cellules cancéreuses. Dans ces cas, une hormonothérapie sur plusieurs mois est indiquée après la radiothérapie. Par ailleurs, au sein de cette famille de cancers dits « hormonosensibles », une majorité (60 %) présente à la surface des cellules, en plus des RH, des récepteurs HER2 en quantité plus ou moins grande, contre lesquels des médicaments spécifiques existent.

Deuxième famille de cancers du sein, les HER2+ « purs », soit 20 % de l’ensemble des cancers du sein : ils s’accompagnent d’une surexpression du gène HER2 qui se traduit par une augmentation du nombre des récepteurs HER2 à la surface des cellules, un facteur favorisant la croissance et la prolifération des cellules cancéreuses. Enfin, 15 % sont dits « triple négatif » parce que les cellules cancéreuses n’ont pas de récepteurs hormonaux ou de récepteurs HER2 à leur surface qui pourraient donc être ciblés par des médicaments spécifiques (RH- vis-à-vis de la progestérone et des œstrogènes/HER2-). Toutefois, 30 à 40 % de ces cancers sont considérés comme HER2 faibles car ils expriment une quantité moindre de HER2. Au total, la moitié des patientes atteintes d’un cancer du sein expriment ces récepteurs HER2 en plus grand nombre que la normale mais sans être véritablement HER2+ (considérées comme HER2 faible, elles peuvent bénéficier du traitement approprié qui agit en bloquant les récepteurs HER2).

D’autres voies pour combattre la tumeur sont en cours d’identification, ce qui permet de proposer d’autres thérapies ciblées, alors plus actives, ou même d’envisager une désescalade de traitements.

Médecine de précision

Après la chirurgie et la radiothérapie, et en dehors de l’hormonothérapie pour les cancers RH+, des médicaments, associés ou non à la chimiothérapie à l’« ancienne » (aux stades les plus avancés) peuvent être proposés par tous les centres ou dans le cadre d’essais.

Les thérapies ciblées sont de petites molécules qui ciblent une anomalie des cellules tumorales (surexpression de HER2, en l’occurrence). Leur utilisation, aujourd’hui en routine, nécessite des tests préalables sur l’ADN de la tumeur prélevé directement ou collecté dans le sang.

Autre cartouche, les anticorps antidrogue-conjugués ou chimiothérapie vectorisée. La molécule de chimiothérapie est fixée à un anticorps qui cible l’anomalie des cellules tumorales : on vise alors plus spécifiquement les cellules cancéreuses, mais sans toucher les tissus sains. D’abord testés et validés dans le stade métastatique, comme tout nouvel anticancéreux, ils le seront bientôt dans la forme localisée.

Ces dix dernières années, l’immunothérapie a connu un grand succès. Il s’agit de restaurer l’efficacité du système immunitaire, permettant ainsi une meilleure lutte contre les cellules cancéreuses. Ces médicaments sont des anticorps dirigés contre des récepteurs présents à la surface des cellules cancéreuses, lesquels interagissent avec celles de l’immunité. L’immunothérapie a d’abord été le traitement de la dernière chance du mélanome, et aujourd’hui aux stades les plus précoces, avant de s’étendre aux cancers féminins, dont le sein.

* La liaison entre les hormones et leurs récepteurs sur les cellules déclenche la stimulation de la croissance des cellules cancéreuses. Plus le nombre de récepteurs hormonaux est élevé, plus la maladie est sensible aux hormones, et plus le traitement hormonal, pris sur plusieurs années, a de chances de fonctionner.

Un Institut dédié aux cancers des femmes

L’Institut Curie vient de lancer l’Institut des cancers des femmes, un Institut dédié aux cancers féminins, une structure spécialisée et intégrée, inédite en France, dirigée par la Pre Anne Vincent-Salomon. Portée également par l’Institut national de la santé et de la recherche médicale et l’université Paris Sciences & Lettres, et financée dans le cadre de l’appel à projets France 2030, l’institut hospitalo-universitaire a pour ambition de faire de la France un leader de l’innovation contre les cancers féminins.

Au programme de sa feuille de route, faire émerger des solutions de diagnostic précoce, réduire l’impact du cancer sur la qualité de vie, développer des solutions innovantes pour abaisser les taux de mortalité et former les professionnels aux enjeux spécifiques de ces cancers.