Pandémie, inflation, crise environnementale, guerre aux portes de l’Europe… Les Français n’ont pas le moral, et ce n’est rien de le dire ! Pour certains, il ne s’agit pas d’un bad mood passager mais d’une véritable dégradation de leur santé mentale. Un quart (24 %) se dit anxieux et 1 sur 6 (17 %) reconnaît les signes d’un état dépressif, selon la récente enquête CoviPrev lancée par Santé publique France et BVA. Quant aux personnes atteintes de troubles bipolaires (sous-diagnostiqués en France), elles ont toutes les raisons de se sentir fragiles car les crises actuelles exposent à un stress important pouvant aggraver la maladie et faire le lit des rechutes.
Jeunes, précaires et femmes en première ligne
Parmi les plus touchés, les 18-24 ans,les femmes, les personnes précaires et celles ayant des antécédents de troubles psychologiques. Ils sont concernés par les états anxieux ou dépressifs, les troubles du sommeil, voire les pensées suicidaires. Des populations plus vulnérables qu’il est essentiel de prendre en charge le plus précocement possible afin d’éviter qu’elles n’adoptent de mauvaises habitudes de vie (alcool, drogues, malbouffe, etc.) qui ne font qu’aggraver les troubles.
Le premier problème est l’accès, très inégal, aux soins psychiatriques dans l’Hexagone, avec en moyenne 23 psychiatres pour 100 000 habitants en région contre 99 pour 100 000 à Paris. Autre frein majeur : le coût de la consultation. Un sondage Harris Interactive pour la Mutualité Française* souligne qu’un individu souffrant de troubles mentaux a un reste à charge d’un peu plus de 1 300 € par an avant l’intervention de sa mutuelle, soit trois fois plus qu’un patient lambda (470 €).
Le regard de la société n’arrange rien
On estime qu’aujourd’hui, 40 à 60 % de personnes souffrant de troubles psychiques ne seraient pas prises en charge. La faute aux inégalités territoriales et au coût de la consultation ? Pas seulement. La stigmatisation des patients psychiatriques conduit le plus souvent ces derniers à souffrir en silence. Or, soulager son mal-être rapidement pour apprendre à réguler son fonctionnement psychique est la meilleure stratégie pour une vie plus harmonieuse. Rappelons que le risque de développer des problèmes de santé mentale peut toucher chacun d’entre nous, à tous les âges de la vie !
* L’Observatoire Place de la Santé « La santé mentale en France », juin 2021.
À savoir
Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), la santé mentale correspond à « un état de bien-être dans lequel la personne peut se réaliser, surmonter les tensions normales de la vie, accomplir un travail productif et fructueux, et contribuer à la vie de sa communauté ». Ainsi, elle se caractérise par l’absence de trouble mental et un niveau élevé ou optimal de bien-être. L’OMS classe les troubles psychiques en deux grandes catégories :
• les troubles psychiques fréquents légers à modérés incluant l’anxiété et les troubles dépressifs ;
• les troubles sévères et persistants correspondant à des troubles chroniques et récurrents, plus rares et plus durables dans le temps comme les troubles dépressifs sévères, les troubles bipolaires, etc.
INFOS +
Sites internet
• Le site de l’OMS pour des informations validées sur les troubles mentaux : who.int
• L’Assurance maladie liste les coordonnées des médecins psychiatres par département : annuairesante.ameli.fr
Application
• MindDay : des exercices d’autothérapie qui reposent sur les thérapies cognitives et comportementales (TCC) validées scientifiquement.
H2 - Anxiété, dépression, troubles bipolaires… Comment s’en libérer ?
Pas facile quand on est envahi par l’anxiété ou submergé par des pensées négatives de trouver la motivation et l’énergie pour en sortir. Pas simple non plus d’être lucide sur soi-même lorsqu’on alterne les états d’exaltation et de dépression. L’entourage croit bien faire avec des injonctions du type « prends-toi en main », « arrête de te laisser aller »… Sauf que « demander à un déprimé de se secouer, c’est comme demander à un aveugle de voir », explique le Dr Patrick Lemoine, psychiatre. Ainsi, face à quelqu’un dont le psychisme semble fragile, mieux vaut ne pas ajouter de la culpabilité à la culpabilité mais essayer de l’aider à devenir proactif. Pour cela, le Dr Nicolas Neveux, psychiatre et psychothérapeute, suggère d’expliquer à la personne qui souffre qu’elle n’est pas « coupable de son mal-être mais responsable de faire de son mieux pour modifier son état, et qu’elle ne perd rien à se faire accompagner par un professionnel ».
Les thérapies comportementales pour dompter l’anxiété
Si tout le monde a un jour ressenti de l’anxiété, celle-ci doit être considérée comme pathologique dès lors qu’elle paralyse, empêche d’avancer dans des projets personnels et/ou socioprofessionnels, sans justifications réelles.
Les signes majeurs : sentiment d’angoisse ou de peur, idées obsédantes, incapacité à lâcher prise au profit d’un contrôle permanent, culpabilité excessive, etc., associés à des symptômes physiques type insomnies, fatigue chronique, douleurs (cou, épaules), troubles digestifs, etc.
Les traitements : quand l’anxiété devient handicapante, les anxiolytiques, qui augmentent le taux de sérotonine (neuromodulateur qui augmente la sensation de bien-être) peuvent parfois être nécessaires. Mais des méthodes non médicamenteuses ont aussi fait leurs preuves. « Indiquées parce qu’elles sont les seules psychothérapies à avoir scientifiquement prouvé leur efficacité dans la guérison de tous les troubles anxieux, les thérapies cognitivo-comportementales (TCC) aident le patient à contester les pensées catastrophistes qui l’assaillent en l’amenant notamment à s’interroger sur le bien-fondé de ses croyances et la pertinence de ses schémas. En cas de phobie ou d’anxiété sociale, les thérapies interpersonnelles (TIP)permettent de surmonter les problèmes de relation aux autres. En complément, des règles hygiénodiététiques sont utiles comme booster ses apports en oméga 3 [NDLR : poissons gras, huile de lin, spiruline, complément alimentaire] puisque des effets bénéfiques ont été observés chez des patients en recevant plus de 2 g par jour », indique le Dr Neveux.
Le burn-out en augmentation !
Les chiffres du burn-out en France et de la détresse psychologique au travail sont en hausse avec 20 % des salariés qui se sont vu prescrire un arrêt de travail pour motif psychologique en 2022*. Attention à ne pas confondre ce trouble de l’humeur avec de l’anxiété ou une dépression ! Le Dr Neveux, psychiatre, rappelle les signes de cet « épuisement physique, émotionnel et mental qui résulte d’un investissement prolongé dans des situations de travail exigeantes sur le plan émotionnel »** : une dégradation subjective du rapport au travail (épuisement émotionnel, cynisme vis-à-vis du travail, diminution du sentiment d’accomplissement personnel/professionnel), une altération de l’engagement (consécutive à l’épuisement), des sentiments et de l’empathie, de l’adéquation entre le poste et le travailleur. Il est alors urgent de rencontrer un professionnel de santé car « un écroulement soudain est possible avec arrêt brutal de l’activité… à l’image d’une corde qui rompt », souligne l’expert.
* Baromètre Absentéisme Malakoff Humanis.
** Définition de Santé publique France.
Une synergie de solutions pour soigner la dépression
Contrairement à la grippe qui se manifeste à peu près toujours par les mêmes symptômes, la dépression peut revêtir différentes formes. Certains déprimés sont tristes, d’autres pas, d’aucuns sont calmes, d’autres s’agitent, les uns raisonnent avec lucidité, les autres délirent (dans certaines formes très graves).
Les signes majeurs : la principale marque de la dépression est l’incapacité à se projeter dans l’avenir et à anticiper. Mais également : ralentissement (le déprimé est plus lent dans son corps et dans sa tête), perte de plaisir (anhédonie), anxiété, crises de larmes, tristesse, pessimisme, troubles du sommeil, fatigue, etc.
Les traitements : la bonne nouvelle, c’est que, là encore, toute dépression ne nécessite pas des médicaments. Une fois le diagnostic posé, c’est au médecin d’évaluer le degré de gravité et d’adapter le traitement. « Pour ce qui concerne les antidépresseurs, leur efficacité n’est reconnue que dans le traitement des dépressions sévères. Les études évaluant le traitement par les antidépresseurs classiques des dépressions légères à modérées sont le plus souvent négatives car elles échouent à montrer une différence avec le placebo, alors que les plantes comme la rhodiole ou encore le safran montrent des résultats positifs pour soulager les troubles de l’humeur », affirme l’expert. La rhodiole contribuerait ainsi à augmenter la résistance de l’organisme face aux divers stress. Quant à l’extrait de Safracetin® (qualité de safran la plus pure), il a cliniquement prouvé son efficacité dans les troubles de l’humeur : son action serait similaire à celle de la fluoxétine (Prozac®), l’un des traitements de référence de la dépression. Des plantes qu’il faut bien sûr utiliser en synergie avec un accompagnement psychologique. Dans ce domaine, les TCC proposent une vraie rééducation mentale via la participation du patient, des exercices à faire à la maison. L’objectif : créer un réflexe conditionné optimiste inverse. Le Dr Lemoine conseille également de recourir, en parallèle, à d’autres méthodes comme l’hypnose, l’autohypnose ou la méditation pour traiter le spleen grâce à la relaxation.
Médicaments et psychothérapie pour réguler la bipolarité
« Les troubles bipolaires ne sont pas simples à repérer et, une fois le diagnostic posé, les patients ont du mal à reconnaître sa véracité, notamment parce qu’ils ne se souviennent pas de leurs phases maniaques [NDLR : état de grande exaltation] ou parce qu’elles sont si “agréables” qu’ils ne veulent pas se traiter », explique le Dr Neveux. Pourtant, un traitement est essentiel afin de stabiliser l’humeur.
Les signes majeurs : variabilité de l’humeur avec alternance d’épisodes dépressifs et maniaques (excitation psychique, désinhibition, grands projets, dépenses inconsidérées, difficultés à se concentrer, impulsivité, etc.), hypomaniaques (symptômes de l’épisode maniaque mais atténués), ou mixtes (état dépressif couplé à l’état maniaque), hyperphagie (crises de boulimie), hypersomnie (somnolence diurne excessive).
Les traitements : des thymorégulateurs sont prescrits en traitement de fond. Ils ont l’avantage de réduire la fréquence, la durée et l’intensité des épisodes dépressifs et maniaques, et d’améliorer la qualité de vie entre chaque épisode. « En parallèle, une psychothérapie est incontournable pour assurer l’éducation thérapeutique du patient [NDLR : éviction des excitants comme le café, le tabac, etc., régulation du sommeil] mais également pour l’amener progressivement à détecter lui-même précocement les premiers signes d’un épisode dépressif ou maniaque. Ceci afin de l’aider à gérer ses émotions et éviter une rechute », souligne le psychiatre. Pour cela, ce sont les TCC qui ont prouvé leur intérêt, de même que les TIP, en particulier grâce à leur action bénéfique pour aménager les rythmes sociaux, ce qui est efficace dans la prévention des récidives.
Côté lecture
Dr Patrick Lemoine, Je déprime, c’est grave docteur ? (Lavoisier), Médecines douces pour temps durs (Buchet-Chastel). Dr Nicolas Neveux, Prendre en charge la dépression avec la thérapie interpersonnelle (Dunod) ; e-psychiatrie.fr
H2 – Les jeunes deux fois plus dépressifs depuis le Covid
Les jeunes ne sont pas épargnés par la vague de crises qui déferle sur la France (et le monde) depuis quelque temps. Le récent rapport de Santé publique France pointe du doigt une augmentation significative et sans précédent des cas de dépression chez les 18-24 ans, tranche d’âge au sein de laquelle les épisodes dépressifs affectent 1 personne sur 5. Un chiffre qui a quasiment doublé depuis la dernière enquête de 2017.
Covid, confinements et compagnie
Bien sûr, les jeunes ont, comme les adultes, subi le stress de la pandémie. Les chercheurs estiment que les restrictions ont été une cause majeure de la dégradation de leur santé mentale, cette tranche d’âge vivant particulièrement mal les confinements successifs, les couvre-feux, les cours à distance, etc.
Peur de l’avenir, peur de tout
« Du stress de cette période est née une anxiété qui a pris de plus en plus de place dans mon quotidien, témoigne Salomé en repensant aux longues journées dans sa chambre d’étudiante, à Lyon. Peur du virus, peur pour mes proches, peur de rater mon diplôme, etc., j’ai fini par avoir peur de tout. Un jour, en me forçant à sortir, une crise d’angoisse m’a conduite à l’hôpital et c’est le psychiatre qui m’a ouvert les yeux sur ma situation mentale. » La jeune femme a depuis soigné son agoraphobie grâce aux thérapies cognitives et même si son degré d’anxiété a fléchi, elle admet avoir du mal à croire en l’avenir et redoute une récidive.
Agir le plus tôt possible
Décrochage scolaire, repli sur soi, mutisme ou agressivité, difficultés à dormir, addictions, etc., sont autant de signes d’une souffrance psychique. Mais la main tendue des parents, amis, proches ou enseignants n’est pas toujours acceptée et la prise en charge psychiatrique de ces jeunes en détresse est loin d’être optimale. Dommage car plus tôt elle est repérée, mieux c’est ! Certaines initiatives comme Nightline (nightline.fr), une ligne d’écoute nocturne tenue par des étudiants, ou La Maison Perchée (maisonperchee.org), une plateforme en ligne destinée à ceux qui se posent des questions sur leur santé mentale, ont ainsi vu le jour. Le but : faciliter la parole des jeunes en les aidant à se livrer en respectant leur anonymat. Et, par un dialogue sans jugement, accélérer leur prise en charge pour les accompagner vers le mieux-être.
Le conseil du pharmacien : Les plantes contre l’anxiété légère
Certaines plantes (passiflore, aubépine, valériane, etc.) ont prouvé leur intérêt dans le traitement de l’anxiété légère, à condition qu’elles soient bien dosées. Le bon réflexe : opter de préférence pour les compléments alimentaires à base d’extraits de plantes fraîches standardisées (EPS) qui garantissent une bonne teneur en principes actifs.