Sylvie Tellier : « Il faut cultiver le goût de l’effort »

Sylvie Tellier : « Il faut cultiver le goût de l’effort »
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Après avoir dirigé pendant dix-sept ans le comité Miss France, la plus emblématique de nos reines de beauté a décidé de tourner la page. En guise de fin de chapitre, son autobiographie Couronne et préjugés narre sans fard le parcours d’une battante dans les coulisses du plus glamour des concours nationaux.

À plusieurs reprises dans votre livre, vous répétez la promesse faite à vos lecteurs de dire toute la vérité, rien que la vérité. Ce besoin viscéral de transparence remonte-t-il aux études de droit que vous suiviez avant de devenir Miss France en 2002 ?

Sylvie Tellier : Il est bien antérieur ! Je ­n’aurais pas pu faire autrement. C’est l’un des principaux traits de mon caractère. Quitte à me lancer dans un projet d’écriture, autant utiliser la carte blanche pro­­po­sée par mon éditrice pour raconter avant tout le destin d’une femme. Je n’ai rien voulu cacher de mon expérience de vie. Je suis partie de mon enfance modeste passée entre ma mère et mes sœurs, pour arriver à mon départ volontaire de Miss France en août 2022. Au lieu de dérouler le fil ­chro­nologique, je trouvais plus intéressant de raconter mon histoire à partir des préjugés que les gens pouvaient avoir sur moi.

On comprend que vous ayez eu envie de remettre quelques pendules à l’heure…

Cela n’a pas été simple pour moi d’être par exemple accusée d’avoir évincé Geneviève de Fontenay, d’être critiquée par certains mouvements féministes sur mon travail avec les Miss, d’être jugée sur mon histoire familiale, mon parcours scolaire…

Ce livre a-t-il eu sur vous un effet miroir ?

J’ai consulté une fois un psy lorsque je me suis séparée du père de mon fils aîné, Oscar. J’ai ressenti à ce moment-là le besoin d’être conseillée pour gérer la situation. En dehors de cette fois-là, je n’ai jamais songé à suivre une psycha­nalyse ou une psycho­thérapie, mais ce livre s’en est chargé ! [Rires] J’avoue avoir pas mal pleuré sur les choses que je consignais depuis plu­sieurs années. Cela m’a fait du bien d’être la première dans ce récit à reconnaître mes erreurs et à faire mon mea culpa lorsque j’ai fait de la peine sans le vouloir.

Cette introspection littéraire vous a-t-elle permis de découvrir des choses sur vous ?

Bien sûr ! J’ai par exemple la fâcheuse habitude de vouloir absolument « remplir ma brou­ette ». Je suis un peu hyperactive et j’ai l’impression de ne me sentir bien que lorsque mon agenda est rempli. J’ai pris conscience en écrivant que j’avais tort de penser que l’accomplissement passe par la multi­plicité de projets. Je veux dire par là que ce n’est pas parce que l’on est débordé que l’on se réalise. En revan­­che, je suis aujour­d’hui convain­­cue que c’est en pre­­nant son temps pour faire les choses qu’on optimise les chan­ces de réussite. Il ne faut rien précipiter et mûrir ses projets, quitte à s’accorder des moments de pause où l’on ne fait rien à part réfléchir sur ses envies et ses lendemains.

Après coup, n’avez-vous pas regretté votre départ rapide du comité ? L’impulsivité ne vous ressemble pourtant pas !

Un peu quand même, si… C’est vrai que j’ai toujours été prévoyante financièrement car je n’oublie jamais d’où je viens, mais je n’ai pas eu peur quand il a fallu faire ce saut dans le vide. Quoi que je fasse, je sais que je m’en sortirai toujours. Il ne s’agit pas d’un excès de confiance en moi, mais simplement d’une croyance absolue en la valeur du travail. Je tiens sans doute cela de ma mère que j’ai toujours vue travailler six jours sur sept pour assurer le quotidien. Je me suis construite avec ce modèle, sans épargner ni mon temps ni mon énergie. Je pense que je suis plus inquiète pour l’avenir de mes enfants que ma mère ne l’a été pour le mien. [Rires]

Qu’est-ce qui vous inquiète pour la jeunesse actuelle ?

Qu’elle grandisse sans acquérir ni culti­ver le goût de l’effort. Il n’est bien sûr pas question de souhaiter à nos enfants les galères que nous avons nous-mêmes connues, mais en voyant un échantillon de la jeunesse avec mes trois enfants, je me demande souvent si cette génération aura la niaque nécessaire pour faire sa place dans la société. Aura-t-elle envie de se dépasser, de saisir sa chance comme je l’ai fait lorsque j’étais jeune ? Cela me préoccupe beaucoup.

La « faute à qui », selon vous ? Est-ce un problème d’éducation individuelle ou d’évolution générale de la société ?

Je pense que nous, moi la première – et je m’en veux ! –, surprotégeons nos enfants. Nous passons notre temps à nous inquiéter de savoir si ça se passe bien dans leur cercle amical, s’ils ne sont pas importunés sur les réseaux sociaux, si nous leur offrons suffisamment d’amour et d’attention… Est-ce la bonne méthode pour leur donner les armes pour affronter leur vie d’adulte ? Je n’en suis pas sûre. Ma mère n’avait pas le temps de se poser ces questions car sa préoc­cu­pation première était de savoir comment remplir nos assiettes. Cela a forgé notre résilience, c’est certain.

Même si vous n’avez jamais été avare d’efforts pour construire votre carrière, les fées de la beauté se sont quand même penchées sur votre berceau. À 46 ans, quel regard portez-vous sur ce don de la nature ?

Je ne me suis jamais regardée dans le miroir en me disant « Oh là là ! Que tu es belle ! » [Rires]. L’année de mon élection, il y avait des candidates bien plus belles que moi ! Je reste persuadée que mon titre s’est joué sur mon discours de pré­sentation. Au début des années 2000, le concours de Miss a commencé à porter de l’intérêt aux filles avec une tête aussi bien faite que bien pleine. J’ai eu de la chance d’arriver à ce moment-là.

Vous n’êtes donc pas prête à entretenir coûte que coûte votre capital beauté ?

Je n’ai pas dit ça. Comme toutes les fem­mes, je trouve que vieillir n’est pas facile. Je m’entretiens, je fais du sport pour compenser mes excès à table, j’adore me pomponner et je me tartine de tous les soins de jouvence possibles ! En revanche, je ne me maquille pas forcément pour sortir. Lorsque je me regarde dans le miroir, je veux habituer mon cerveau à accepter que le temps passe sur moi aussi.

Amours, gloire et beautés

Chaque année depuis 1920, une jeune femme à la plastique parfaite sort de l’anonymat et représente la beauté à la française à travers le monde jusqu’à l’élection suivante. Sylvie Tellier est de celles-là. Sacrée Miss France en 2002, cette jeune et jolie provinciale aurait pu être avocate si les sirènes du concours ne l’avaient pas appelée. Vingt-deux ans et un incroyable parcours plus tard, elle signe sa première autobiographie dans laquelle sa plume se balade de son enfance aux coulisses des Miss, et tord le cou aux préjugés entre deux confessions intimes.

Couronne et préjugés, de Sylvie Tellier (Fayard, 23,90 €).

18 bonnes fées

Mettre leur notoriété au service d’une cause qui leur tient à cœur. Tel est le défi relevé depuis 2015 par dix-huit Miss France emblématiques. Initiée par Sylvie Tellier, l’association Les Bonnes Fées collecte des fonds pour venir en aide aux femmes et aux enfants démunis. Concrètement, elle offre aux petits des trousseaux de naissance, et aux plus grands des week-ends à Disneyland, du matériel scolaire ou informatique. Sans oublier la création de Maisons des Bonnes Fées – au nombre de quatre, à ce jour –, des lieux de bien-être et de soins entièrement destinés aux femmes atteintes d’un cancer.

Plus d’informations sur www.lesbonnesfees.fr