Dans Master Crimes, vous campez la jubilatoire Louise Arbus, une prof de psycho-criminologie qui sort des clous et mène des enquêtes. C’est elle qui vous a donné envie de vous embarquer pour la première fois dans l’aventure de la série télé ?
Muriel Robin : La qualité de l’écriture, les intrigues bien ficelées, la distribution… Tout était réuni pour me donner envie d’y aller ! En effet, avec mon personnage, on ne sait jamais si l’on va rire ou pas, mais on est avant tout dans une série policière. J’ai apprécié que les enquêtes soient menées sérieusement sans être un prétexte à la comédie. J’ai été assez contente de ne pas faire du « moi » dans la drôlerie de Louise Arbus. C’est un personnage atypique qui a son propre humour et beaucoup d’esprit.
Peut-on dire que vous avez des points communs avec elle ?
J’en ai pas mal ! [Rires] Mais je pense que c’est normal puisque le rôle a été écrit en pensant à moi. Je ne sais pas si c’est elle qui me ressemble ou l’inverse, mais je la vois comme une femme assez équilibrée. Elle a une sorte de flegme et de calme intérieur que j’ai moi-même acquis avec le temps. Comme elle, je sais aussi dédramatiser ce qui n’est pas réellement grave. Rien n’est grave en fait, sauf ce qui touche à la santé. Je le dis souvent à Anne [Anne Le Nen, NDLR], mon épouse.
À propos de choses graves, vous vous êtes récemment impliquée dans le combat mené par le gouvernement contre l’inceste…
Comme pour les violences conjugales, je ne pouvais pas rester sans rien faire. Surtout quand on connaît les chiffres, qui font mal au cœur : en France, toutes les trois minutes un enfant est victime d’inceste. Une petite fille sur cinq et un petit garçon sur douze sont concernés, ce qui représente entre quatre et six millions d’enfants. Sur une classe de trente élèves, trois subissent ces horreurs. Alors là, oui, on peut parler de choses graves. Si ma voix peut faire bouger les lignes, inciter les parents et le corps enseignant à mettre en garde les enfants ou les aider à dénoncer les faits lorsqu’ils se produisent, je ne vais pas me taire.
Est-ce votre propre vécu qui vous a rendu sensible aux causes que vous défendez ?
Non. Chez moi, il n’y a pas eu de violences conjugales et je n’ai pas subi d’inceste. Sinon, je le dirais ! Je me suis engagée dans ces combats parce qu’il est très important pour moi de faire bouger les choses. J’ai toujours été sensible à la veuve et à l’orphelin et voulu sauver le monde, même si avec l’âge j’ai compris qu’on ne peut sauver que ceux qui veulent l’être. Je suis faite comme ça. Il y a Robin des Bois, et moi je suis Robin des Villes. [Rires] Plus le temps passe, plus cette nécessité s’accentue. Si je peux tendre la main, si ma notoriété peut servir à sauver un peu de gens, ça a beaucoup de sens pour moi. À choisir entre être une bonne citoyenne et une bonne actrice, je préfère sans hésiter rester ancrée dans la vraie vie et être une bonne citoyenne. Je peux donner aujourd’hui parce que j’ai l’impression d’avoir été très bien servie. Même si j’ai été très mal pendant de nombreuses années.
Vous avez parlé de vos années douloureuses dans Fragile, votre autobiographie. Comment êtes-vous devenue la femme rayonnante et sereine que vous êtes aujourd’hui ?
J’ai fait un gros travail sur moi, vu beaucoup de psys et essayé différentes méthodes, et tout ça a été long avant de se mettre en place. C’est avec le temps que j’ai pu accéder au calme intérieur.
Vers mes 50 ans, j’ai commencé à voir un brin de lumière et à comprendre que la couleur pouvait prendre le pas sur le noir. Aujourd’hui, je ressemble plus à un arc-en-ciel qu’à un tas de charbon. [Rires] Cette paix s’acquiert à condition de mettre toutes les chances de son côté.
L’hygiène de vie a-t-elle contribué à l’édifice de votre sérénité ?
J’ai adopté une alimentation saine, je fais du sport tous les jours, et j’ai arrêté tout ce qui pouvait être nocif, comme l’alcool, le tabac, et écarté les personnes toxiques. Je ne suis plus la même et je pense que cela se voit, même physiquement. Je ne suis plus la même actrice non plus.
Pierre Arditi, votre partenaire dans Lapin, dit que le mot qui vous définit le plus est « amour ». Êtes-vous d’accord avec cela ?
J’ai été très touchée lorsqu’il a dit ça. J’ai effectivement l’impression de donner plus d’amour qu’avant, de meilleure qualité, et je sais aussi prendre celui qu’on me donne. Et vu d’où je viens – j’ai longtemps été une handicapée de la vie –, aujourd’hui, je savoure, tout simplement. J’aime l’idée que les gens se sentent bien quand ils sont avec moi. Je crois que je suis devenue quelqu’un de très équilibrée. C’est en tout cas ce que me dit mon épouse qui a été témoin de toutes les étapes de mon évolution.
Votre couple a-t-il été le socle de votre reconstruction ?
Il est vrai qu’à deux, on n’avance pas de la même manière ! Mon couple a contribué à faire aboutir les changements que je souhaitais et que j’avais commencé à mettre en place avant notre rencontre. J’appelle Anne « mon diamant noir ». Elle m’a aidée à poser les choses et à croire en l’amour. Je ne suis plus seule et je suis tranquille, en paix avec moi-même et avec ceux que j’aime. C’est un état assez doux à vivre, comme si je commençais un nouveau livre. Avant, j’étais éteinte parce que je n’avais pas mis la main sur l’interrupteur. En fait, je crois que c’est tout le compteur électrique qui avait lâché ! [Rires] Il a fallu que je change tous les fusibles, et maintenant que c’est fait, je le dis d’autant plus facilement que je reviens de loin. Ça prouve que c’est possible. Nous pouvons tous faire ce travail intérieur pour aller mieux.
Criminologue grande classe
Désinvolture en bandoulière et escarpins léopard aux pieds, Muriel Robin, alias Louise Arbus, est professeur de psycho-criminologie à l’université. Attachante parce qu’exaspérante, et inversement, elle n’hésite pas à mettre sa légendaire acuité au service d’enquêtes menées par la capitaine Delandre, interprétée par Anne Le Nen.
Master Crimes, six épisodes de 52 minutes diffusés les jeudis 9, 16 et 23 novembre à 21 h, sur TF1.
Un tandem très show
Écrit et mis en scène par Samuel Benchetrit, Lapin commence comme un lundi soir ordinaire. En ce jour de relâche pour tous les comédiens de théâtre, Muriel Robin se rend chez Pierre Arditi pour dîner avec lui. Mais ces amis de toujours qui s’apprêtent à passer la même soirée que d’habitude ne vont pas être au bout de leurs surprises… Pour notre plus grand plaisir.
Lapin, du mercredi au samedi à 20 h, le samedi à 16 h 30, le dimanche à 15 h (un dimanche sur deux en novembre, et tous les dimanches à partir de décembre) au Théâtre Édouard VII, à Paris, jusqu’au 6 janvier.