Marianne James : « La voix est le miroir de l’âme »

Marianne James : À presque 62 ans, j’ai surtout pensé qu’il était temps que je transmette ce que je sais de la voix. Ça a commencé pendant les confinements. Je me demandais à qui j’allais pouvoir laisser cette « chose » que je connais très bien pour l’avoir trouvée, perdue, retrouvée et reperdue, encore et encore. Il faut avoir pas mal baroudé vocalement pour savoir que l’on est à la fois l’instrument, l’instrumentiste et l’étui, et qu’optimiser les trois est à la portée de tous.

J’ai donné des cours de chant de 1980 à 1993, et je retrouve avec les spectateurs ce bonheur de la transmission. On rit beaucoup parce que je leur fais faire des exercices qui les obligent à se lâcher. On ne parle jamais assez de l’importance de s’amuser et ce, à n’importe quel âge. Le jeu permet de retrouver la vitalité de l’enfant, la curiosité de celui qui apprend.

C’est simple. Quand on transmet, il y a forcément plus de choses à l’extérieur et moins à l’intérieur. Donc, ça m’allège. Je ne dis pas que le savoir est un poids, mais c’est une charge, une responsabilité. Savoir qu’après m’avoir vue sur scène de plus en plus de gens s’inscrivent dans des chorales, c’est le bonheur. C’est une récompense que je n’avais pas vu venir et ça me rend profondément heureuse.

Oui. Dans le timbre, le choix des mots, la syntaxe, la tonalité, la vitalité, etc., je peux entendre l’identité de quelqu’un, comme la timidité à travers des rires forcés. Mais tout le monde peut faire ça à condition d’être un peu attentif ! Là, par exemple, à ma voix, vous entendez que je suis très détendue. Je reconnais qu’en quatre ans de Nouvelle Star, à raison de mille candidats par saison, cela a entraîné mon oreille à l’exercice.

Je me suis toujours intéressée à l’être humain. Ce n’est pas pour rien si j’ai voulu faire médecine avant d’entrer au Conservatoire. Mais c’est arrivée à la cinquantaine que j’ai senti que je voulais aller vers la sagesse. Il a fallu que je commence par comprendre pourquoi j’avais tant d’énergie, et surtout que j’apprenne à la canaliser. Ma psychanalyse a duré sept ans.

Je bouillonne toujours autant mais je me suis débarrassée de mes névroses. D’autant qu’elles ne m’appartenaient pas mais tenaient de l’héritage familial. Aujourd’hui, je le dis souvent, je vis avec une personne que j’adore : moi ! [Rires]

Ça, je l’ai su très tôt, vers 22-23 ans, quand j’ai commencé le théâtre de rue. J’ai senti quelle joie me procurait la liberté. Ce sentiment de pouvoir façonner sa vie comme un potier transforme un morceau de terre glaise selon ses envies, ses humeurs, ses inspirations du moment. Moi, ma matière première, c’est l’humain.

Le « connais-toi toi-même » permet de mettre de l’ordre à l’intérieur, de maîtriser ses points forts, d’identifier ses points faibles et d’agir en conséquence. Mais le plus important pour moi reste la souplesse. Quand on est raide dans son corps, on l’est aussi dans sa tête.

J’ai fait beaucoup de sport dans ma jeunesse, ce qui m’a permis de rester souple. Ou du moins tonique. Je sais que je n’aurai jamais un ventre plat et je n’ai jamais cherché à l’avoir. Je suis faite avec ces rondeurs et je remercie ce ventre de si bien digérer, de si bien me permettre de rire et de m’avoir donné du plaisir quand il a fallu en prendre. Je remercie chaque jour mes jambes de porter mes 138 kilos. Je remercie mes chevilles le soir de ne pas avoir flanché. Chaque matin, je prends dix minutes pour réveiller tout doucement tout le monde. Si je ne le fais pas, je sais que je vais me faire mal dans la demi-heure. Ces petites choses, on ne peut pas les savoir à 20, 30 ou 40 ans. À 50, on commence à comprendre que le « connais-toi toi-même » est plus important que de perdre cinq kilos avant les vacances.

Parce que c’est devenu un vrai problème pour énormément de gens. L’obésité est en train de dévorer la planète. En ce qui me concerne, j’ai la chance d’être une grosse en forme. Je n’ai pas de problème de santé mais ce n’est pas le cas de tout le monde. Mon combat contre le surpoids ne se situe pas sur ce plan, même si je ne souhaite à personne d’endurer physiquement les difficultés que cela implique. S’il m’arrive de militer, c’est contre la grossophobie. Pour qu’on arrête de croire que les obèses sont paresseux ou sentent mauvais ! Pour que les gros aient accès aux mêmes boulots que les minces. Et là, malheureusement, il y a encore du chemin à parcourir.