Dans la famille des thérapies brèves, l’EMDR occupe une place à part depuis sa création dans les années 80. Son principe : soigner les troubles du comportement, comme la dépression, l’anxiété, et autres phobies par des séances de mouvements oculaires volontaires, guidé par un praticien. Guérir en bougeant les yeux, que faut-il en penser ? On fait le tour de la question.
Inventée dans les années 80 par la psychologue américaine Francine Shapiro, qui avait remarqué que les mouvements saccadés et involontaires de ses yeux l’aidaient à éloigner ses idées noires, l’EMDR, pour eye movement desensitization and reprocessing, ou Intégration neuro-émotionnelle par les mouvements oculaires, dans la langue de Molière, fait partie de la famille des thérapies brèves.
À qui l’EMDR est-elle conseillée ?
La thérapie EMDR est recommandée aux personnes souffrant de perturbations émotionnelles, dépression, addiction, crises de panique, phobies, angoisse, tendance à l’isolement, troubles du comportement alimentaire, somatisations, régressions, etc. Ces perturbations peuvent être le résultat d’un choc traumatique causé par des violences physiques ou psychologiques, des abus sexuels, un accident, un décès, un attentat, ou encore une IVG, un licenciement, une séparation… Lorsque le choc est tel que le cerveau ne parvient pas à traiter l’information correctement, il reste bloqué sur l’événement, ce qui engendre les troubles. La thérapie EMDR aide le cerveau à se débloquer et à digérer le traumatisme pour les faire disparaître. Enfant, adolescent ou adulte, il n’y a pas d’âge pour mener cette thérapie, qui peut intervenir de nombreuses années après le traumatisme.À lire aussi :
Comment se déroule une thérapie brève d’EMDR ?
Alors non, on n’arrive pas chez un praticien, et hop, on se met à faire des mouvements des yeux bizarres dans tous les sens. Un à plusieurs entretiens préliminaires sont nécessaires pour établir une relation de confiance entre thérapeute et patient, et identifier le(s) traumatisme(s) à l’origine des troubles. Ces souvenirs pénibles sont ensuite traités un par un lors des séances, dont le nombre varie selon la nature du traumatisme et les difficultés rencontrées. Parfois, une seule suffit à régler le problème. Chez l’adulte, une séance dure entre 60 et 90 minutes, chez l’enfant plutôt autour de 45 minutes. Les parents peuvent bien sûr être présents pendant la séance.À lire aussi :
À quoi s’attendre pendant une séance d’EMDR
Le thérapeute active des mécanismes conscients chez le patient, qui est acteur de sa guérison. Il lui demande d’abord de se concentrer sur le souvenir traumatisant, en réactivant les souvenirs sensoriels de l’événement : sons, odeurs, perceptions physiques… ainsi que les émotions et pensées associées. Le praticien démarre ensuite des stimulations visuelles bilatérales, tactiles ou sonores, et demande au patient de lui dire ce qui lui vient à l’esprit entre chaque série. Il n’a rien d’autre à faire, et le cerveau retraite seul l’événement au fil des séries. Bien souvent, ces stimulations font vivre des émotions intenses au patient, qui ressent une amélioration dès la fin de la séance. Le praticien poursuit les séries de stimulations jusqu’à ce que le patient ne ressente plus de perturbation au souvenir de l’événement, et réussisse à l’associer à des pensées calmes et constructives.Mais… comment ça marche ?
Francine Shapiro, fondatrice de l’EMDR, reconnaît que cette technique emprunte à d’autres thérapies cognitives, comme la sophrologie ou l’hypnose. La démarche tourne autour du traitement de l’émotion. Elle aide à mettre de la distance avec cette émotion liée au souvenir traumatique, sans l’effacer, mais en supprimant sa dimension douloureuse et en lui donnant au contraire une dimension positive, constructive. David Servan-Schreiber explique que chaque événement douloureux laisse une marque dans le cerveau, et qu’en cas de traumatisme, les pensées, sons et émotions associées se réactivent au moindre rappel. L’EMDR permet de réactiver le mécanisme de guérison naturelle du cerveau pour qu’il termine la digestion de l’événement. L’efficacité du balayage des yeux, défendus par les praticiens EMDR, est contestée par certaines études et renforcée par d’autres : autant dire qu’il est difficile de trancher aujourd’hui. Francine Shapiro évoque une analogie (non prouvée scientifiquement à ce jour) avec les phases de sommeil à mouvements oculaires rapides, pendant lesquelles les rêves permettent de procéder à la répartition mémorielle. Mais les résultats sont là : nombreux sont les témoignages de patients souffrant de dépression, troubles du comportement, phobies, etc., que l’EMDR a libérés de leurs troubles là où d’autres thérapies, incluant souvent des médicaments, avaient échoué.À lire aussi :
Quelle formation suivent les praticiens EMDR ?
Le développement de cette thérapie est surtout porté par des associations, l’EMDRIA aux États-Unis, et EMDR Europe, qui délivrent un titre de praticien EMDR accrédité EMDR Europe à ceux qui suivent le niveau requis de formation. Il existe en France trois organismes de formation délivrant ce titre, et le site de l’EMDR tient à jour un annuaire des praticiens accrédités. Votre intérêt est éveillé ? Pour plus d’informations sur l’EMDR, direction le site de l’association EMDR France : www.emdr-france.org, et quelques lectures passionnantes pour se plonger dans les méandres du cerveau et des émotions.À lire
GUÉRIR LE STRESS, L'ANXIÉTÉ ET LA DÉPRESSION, de David Servan-Schreiber, éditions Robert Laffont, 2003, 21€.
DES YEUX POUR GUÉRIR, de Francine Shapiro, éditions Point, 2014, 11.50 €