Cannabis sativa (cannabis ou chanvre) existe et est utilisé depuis la nuit des temps en médecine. Aujourd’hui, nous connaissons mieux sa composition : il renferme trois cents composés dont plus de cent cannabinoïdes, et en particulier le fameux tétrahydrocannabinol (THC), largement étudié pour ses indications médicales, et le cannabidiol (CBD), que l’on trouve partout et qui peut être de synthèse ou naturel, le plus souvent, s’il est extrait de la plante.
Le THC, également de synthèse ou extrait de plantes qui en contiennent en proportions variables, est à l’origine des effets psychoactifs, « stupéfiants », du cannabis. « Le THC peut éventuellement être associé au CBD à très fortes doses, ce qui diminuerait ses effets indésirables », indique le Pr Nadine Attal, cheffe de service du Centre d’évaluation et de traitement de la douleur de l’hôpital Ambroise-Paré de Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine), en charge de l’expérimentation du cannabis thérapeutique pour les autorités de santé, qui vise à étudier la faisabilité de la prescription par le médecin de ville.
Cannabis « médical »
Ce dont on est sûr, c’est que le cannabis médical, contenant du THC et/ou du CBD, peut être utilisé en médecine dans cinq grandes circonstances. La première, celle pour laquelle les études sont les plus nombreuses, concerne les douleurs chroniques neuropathiques réfractaires, dites « centrales », consécutives à des lésions des nerfs que l’on peut voir dans la sclérose en plaques, l’accident vasculaire cérébral, le diabète ou encore le zona. « Les résultats ne sont pas miraculeux mais nos patients sont manifestement soulagés », se réjouit-elle. Reste à confirmer ces observations par des essais cliniques comparant le THC et un placebo. La deuxième indication est la spasticité (raideur musculaire involontaire) douloureuse, survenant suite à un dommage du système nerveux central (paraplégie, par exemple). Dans ce cadre, un médicament combinant THC et CBD a été développé mais il n’est pas commercialisé en France.
Les douleurs de cancers avancés ou associées aux soins palliatifs – troisième et quatrième indications –, pourraient être d’autres bonnes raisons d’avoir recours au cannabis médical : « Il permettrait de réduire les doses de morphine, et l’effet “bien-être” du CBD associé est ici bienvenu », observe le Pr Attal. Enfin, certaines formes d’épilepsie infantiles (syndromes de Lennox-Gastaut et de Dravet) difficiles à traiter bénéficient de l’efficacité prouvée du CBD à des doses très élevées.
Des précautions, toutefois
Si le cannabis est jugé intéressant dans une indication bien précise, le THC doit être proposé avec précaution dans la mesure où il peut être addictif. Le CBD, à l’inverse, est en principe dénué d’effets psychoactifs : dans l’extrait de plante dont il est issu, la proportion de THC est extrêmement faible (moins de 0,3 %). Les produits en contenant ne sont donc pas considérés comme des stupéfiants ou des psychotropes. Toutefois, comme le THC, le CBD est un phytocannabinoïde qui active le système endocannabinoïde, qui joue un rôle important dans la régulation de nombreuses fonctions biologiques (poids, température, taux de sucre dans le sang, etc.), mais également les systèmes impliqués dans l’inflammation ou les émotions, tels que les récepteurs à la sérotonine (l’hormone du bien-être). Le CBD se lie en effet à des dizaines de récepteurs différents de neurotransmetteurs et à des acides aminés (des morceaux de protéines qui sont des messagers) excitateurs ou inhibiteurs. Des observations qui ont été faites jusqu’ici chez l’animal uniquement. L’utilité du CBD, quelle que soit la forme sous laquelle il est absorbé, est à l’évidence encore peu documentée.
CBD « bien-être », mais…
Le CBD est présent dans la fleur de cannabis séchée et entre dans la composition d’huiles, de produits cosmétiques, de boissons, etc. À moins qu’ils n’aient été autorisés comme médicaments (voir plus haut), ces produits ne peuvent alléguer un bénéfice thérapeutique. La sécurité du CBD, aujourd’hui considéré en France comme un aliment, est en cours d’évaluation. Pour l’heure, faute d’études comparatives, il est difficile de faire la part de l’effet de la substance versus le placebo. Le CBD « bien-être », ou cannabis light, apaiserait l’anxiété, le stress et la douleur, améliorerait le sommeil, et pourrait aider au sevrage du cannabis (riche en THC), comme l’indique l’Académie de médecine. « Reste que le CBD peut induire des effets indésirables (somnolence, fatigue, troubles digestifs) dont l’intensité augmente avec la dose », ajoute l’instance. Et signale le risque d’interactions avec certains médicaments (pour des doses de CBD supérieures à 50 mg par jour).
Enfin, dans le cadre de la pratique sportive ou de la conduite de véhicules, un consommateur de CBD peut être testé positif au THC si le produit est suffisamment concentré en THC et/ou si son usage est répété.
La prescription envisageable ?
C’est pour pouvoir répondre à cette question qu’une expérimentation est menée en France avec une soixantaine de centres sélectionnés. 3 000 patients seront suivis, dont 700 pour la seule indication « douleurs chroniques rebelles ». L’inclusion, en cours, devrait se terminer fin décembre. La prochaine étape, une fois les résultats évalués, pourrait être la libéralisation de la prescription médicale, toujours encadrée bien évidemment.
Le cannabis illicite
Il se présente sous forme d’herbe (feuilles, tiges et sommités fleuries) séchée. Détournée de son usage médical, l’herbe se fume, habituellement mélangée à du tabac. Le haschich, lui, est une résine obtenue en raclant les feuilles et en y ajoutant la poudre provenant des plants séchés ; il se présente sous la forme de plaques compressées et se fume mélangé à du tabac. L’huile, enfin, plus concentrée en principes actifs (dont le THC psychoactif), se fume avec une pipe.