Voilà maintenant deux ans que les coulisses de l’Institut Auguste Armand [cadre de la série, NDLR] régalent les téléspectateurs. Comme eux, avez-vous eu d’emblée un coup de cœur pour cette série culinaire ?
Elsa Lunghini : Je reconnais qu’au départ, l’idée de tourner dans une quotidienne ne m’emballait pas. D’un côté, ce qui existait à ce moment-là dans ce format ne me séduisait pas tellement. De l’autre, le rythme de travail que cela impliquerait à l’année m’angoissait un peu. La proposition est arrivée pendant le premier confinement. J’étais en famille dans notre maison, en plein milieu de la nature, en Dordogne. Je ne savais pas ce qui pouvait m’attendre. Je ne me projetais pas dans un tel enfermement. Il faut dire que je tiens énormément à ma liberté.
Vous vous êtes pourtant – et à raison – laissée convaincre…
Les choses peuvent évoluer [rire] ! Quand j’ai lu le script, j’ai tout de suite accroché sur le côté innovant de la série. J’y ai vu de la qualité, un ton différent de ce que l’on avait l’habitude de voir en quotidienne. Je trouvais aussi intéressants les thèmes de la transmission et de la cuisine. Cette première impression s’est confirmée puisque nous en sommes à la troisième saison.
Clotilde Armand, la cheffe héritière que vous interprétez, est à la fois taciturne et autoritaire. C’est cette ambivalence qui vous a plu chez elle ?
C’est une femme aux caractères multiples qui offre plein de nuances à jouer, ce qui est intéressant pour une comédienne. Au début, elle était un peu dure, tranchée, froide. Mais au fil des épisodes, d’autres aspects de son identité se sont révélés et ont permis de mieux comprendre pourquoi elle était comme ça. Ce personnage n’est pas binaire et c’est ce qui m’a séduite en elle. Elle est à fleur de peau et n’aime pas montrer sa sensibilité.
Peut-on dire que vous avez ce point commun avec elle ?
Peut-être. C’est vrai que je suis extrêmement sensible, une véritable éponge… Pour essayer de survivre, de surnager dans cette vie artistique qui n’est pas toujours très tendre, je me suis très tôt forgé une carapace. Je la dois en partie à mes parents qui m’ont beaucoup entourée et protégée au départ. Mon père était dans ce milieu depuis longtemps ; il en connaissait les travers et a pu me mettre en garde. À cela s’est ajouté le fait que je suis assez méfiante de nature. J’ai toujours eu tendance à observer avant de m’engager et de faire confiance. Ce trait de caractère, qui me protège, m’a aussi appris, au fil des années, à faire le tri, à aller à l’essentiel et à ne pas m’encombrer de choses qui n’en valent pas la peine.
Sur vos réseaux sociaux, on vous voit vous promener dans la campagne, parler de jardinage, commenter la beauté de la nature… Est-ce cela vos « essentiels » ?
C’est surtout une façon de me ressourcer. Depuis deux ans, je suis peu à la maison, donc, quand j’ai la possibilité de rentrer, c’est le bonheur. Je suis au calme, je n’ai rien autour, je suis au milieu des animaux et entourée de silence. Juste le bruit des oiseaux qui me fait un bien fou…
Que vous apporte cette immersion dans la nature ?
C’est difficile à expliquer… Cela me permet de me détendre, de faire une vraie coupure et d’oublier le reste. Quand je suis chez moi, je vis en harmonie avec la nature, au rythme des saisons. J’ai mes propres plantations et je me rends par ailleurs chez les producteurs du coin. Je marche beaucoup, aussi, seule ou avec mon mari. Nous faisons souvent des randonnées. Pour moi, l’essentiel de la vie est dans la nature.
Qu’entendez-vous par là ?
Ce qui me semble essentiel, c’est de tendre de plus en plus vers l’autosuffisance. Je veux dire par là, ne plus dépendre, ou le moins possible, de l’extérieur. Mon rêve, par exemple, serait de pouvoir me nourrir seulement grâce à mon potager… Vu l’état de la planète, je pense que nous devrions tous essayer de réviser nos modes de consommation en nous éloignant des villes et en apprenant à faire plus de choses par nous-mêmes, à travailler la terre et vivre grâce à elle.
Votre quête d’authenticité passe par la fuite du monde artificiel et industriel ?
Complètement ! Ce monde-là incarne tout ce que je n’aime pas. C’est-à-dire l’artificiel au sens large du terme, les faux-semblants, l’obligation d’efforts en société… Composer en permanence, ce n’est pas être soi. C’est vivre avec les autres tout le temps, subir le bruit, la pollution… Subir, c’est ce que je fuis. C’est pour cela que j’ai quitté Paris. J’avais besoin d’un refuge, d’un endroit où je n’ai pas à composer et où je peux être moi.
Votre métier vous rappelle pourtant régulièrement à l’ordre…
Par moments, c’est vrai. Mais ce ne sont que des moments. Je ne me force en rien. Je ne fais plus de compromis. J’ai la chance de pouvoir choisir les endroits et les gens avec lesquels j’ai envie d’être. Avec le temps, j’ai compris que rien n’était une obligation. Si je ne sens pas quelque chose, je ne le fais pas et ce n’est pas grave. Le monde continuera de tourner. Maintenant, il y a des choses inhérentes à mon métier mais que je fais par choix et avec plaisir.
Vous attachez beaucoup d’importance à votre liberté. Est-ce votre luxe ?
Oui, bien sûr ! Mais c’est un luxe que je peux aujourd’hui m’offrir parce que j’ai gagné ma vie très tôt, j’en ai conscience. Je sais d’où je viens et je ne l’oublie pas. Quand mes parents m’ont eue, ils n’avaient pas beaucoup de moyens, ils étaient vraiment dans la galère. J’ai vu mon père travailler dur pour subvenir aux besoins de sa famille. Je ne suis pas née avec une cuillère en argent dans la bouche et j’ai appris la valeur du travail. J’ai beaucoup travaillé et très tôt. J’ai gagné assez d’argent pour rendre ce luxe-là légitime. J’ai aussi toujours fait très attention à ne pas perdre pied et j’ai utilisé cet argent pour acheter les choses qui me sont essentielles, comme ma maison. C’est un comportement très terrien, en fait…