Environ six millions de Français sont concernés par une maladie rénale chronique. Mais seule la moitié le sait. Un tiers des patients arrivant au stade sévère n’ont jamais été pris en charge auparavant. Pourtant, le dépistage, simple (prise de sang et analyse d’urine), permet, s’il est réalisé tôt, de ralentir de moitié la progression de la maladie.
Le rein, cet organe trop méconnu
En 2023, dans le cadre de la Semaine nationale du rein, une enquête Ipsos réalisée pour AstraZeneca a montré que les connaissances des Français sur cet organe et les maladies en lien sont limitées. Ainsi, près d’1 personne sur 2 pense que le rein n’est pas essentiel, et environ 2 sur 5 que les problèmes rénaux n’ont pas de conséquences graves pour la santé. Par ailleurs, seuls 13 % des sondés ont déjà entendu
parler de maladie rénale chronique, 78 % déclarent ne pas bien connaître ses facteurs de risque, et 24 % savent que l’on peut en mourir.
Plus préoccupant encore, moins d’1 personne à risque sur 4 pense qu’elle peut développer une insuffisance rénale, et moins d’1 sur 5 est suivie pour ses reins. Et pour cause : dans près de la moitié des cas, la maladie est découverte de façon fortuite, à l’occasion d’examens prescrits pour autre chose. La raison ? La pathologie évolue le plus souvent insidieusement, sans que l’on s’en rende compte.
Il y a donc urgence à combler le manque de connaissances de la population… C’est précisément pour informer et sensibiliser le grand public qu’une Semaine nationale du rein est organisée chaque année (du 9 au 16 mars 2024). Différents lieux de dépistage gratuits sont même accessibles un peu partout en France.
Chiffres
En France, à la fin de l’année 2021, 92 535 patients étaient traités pour une insuffisance rénale chronique : 51 325 en dialyse (55 %) + 41 210 porteurs d’un greffon (45 %). 14 000 personnes étaient en attente d’une greffe.
Source : Agence de la Biomédecine
Le rein, cet organe vital
Petit rappel sur le rôle des reins pour comprendre pourquoi et comment ils peuvent moins bien fonctionner et se détériorer, au point de devoir recourir à la dialyse ou à la greffe.
En forme de haricot de taille modeste – chacun pèse environ 160 g, mesure 12 cm de long sur 6 cm de large et 3 cm d’épaisseur –, les reins sont des organes essentiels, vitaux même puisqu’ils filtrent en permanence le sang qui arrive par les artères rénales issues de l’aorte. Avec l’aide de milliers de minuscules canaux, les néphrons, ils éliminent l’eau apportée par l’alimentation et les boissons, ainsi que les déchets toxiques produits par l’organisme (créatinine, urée, etc.) pour ne garder que les liquides et les substances utiles au bon fonctionnement du corps. L’urine qui résulte de ce filtrage est déversée dans la vessie avant d’être évacuée par l’urètre. Mais lorsque du fait d’une maladie ou d’une anomalie les reins n’arrivent plus à remplir leur fonction, les déchets et les liquides s’accumulent. Seulement, même quand les reins ne fonctionnent plus correctement, ils font rarement souffrir et la maladie s’aggrave alors progressivement, en silence. Mais certains signes peuvent être révélateurs : grande fatigue, troubles digestifs, amaigrissement, crampes, fourmillements, démangeaisons, œdèmes, essoufflement, etc. Des symptômes tardifs qui indiquent que la maladie est déjà là et à l’origine de dommages.
Traiter le diabète et l’hypertension
Dans 1 cas sur 2, les responsables d’une insuffisance rénale sont le diabète (de type 1 et 2) et l’hypertension artérielle. L’un comme l’autre endommagent les petits vaisseaux qui conduisent le sang vers les cellules rénales chargées de la filtration, et altèrent le fonctionnement des reins. En cas de diabète ou d’hypertension, un dépistage régulier de l’insuffisance rénale permet, si nécessaire, de mettre rapidement en place des mesures de prévention et de protection des reins avec des médicaments et, ainsi, éviter la dialyse ou la greffe.
Si ces pathologies sont diagnostiquées et prises en charge tôt, et qu’une bonne hygiène de vie (activité physique, alimentation équilibrée, perte de poids, arrêt du tabac) vient renforcer le traitement, cela permet d’empêcher une évolution vers une maladie rénale chronique.
Le conseil du pharmacien : Moins de sel, moins de protéines
Pour alléger le travail des reins, une alimentation variée de type méditerranéen, riche en fruits et en légumes, pauvre en viande, notamment rouge, s’impose. Et moins de sel (5 à 6 g par jour) : ne pas resaler les plats, éviter les aliments ultratransformés, les plats préparés, la charcuterie, le fromage, les biscuits apéritifs. Par exemple, une rondelle de saucisson contient 1 g de sel, de même qu’un bol de soupe industrielle (brique, sachet). Et moins de protéines (0,8 à 1 g par kg de poids par jour) : pour une personne de 70 kg, 56 à 70 g de protéines, dont la moitié d’origine animale (viande, œufs, poisson, fromage, produits laitiers) et l’autre d’origine végétale (légumineuses et céréales, entre autres).
Polykystose en cause
Comme tous les organes, les reins vieillissent. Après 40 ans, leur taille et leur volume diminuent, ainsi que le nombre de néphrons en bon état de marche. Si bien qu’à 80 ans, ils ont déjà perdu 40 % de leur fonction. Raison pour laquelle les médecins sont si prudents quand ils prescrivent à un senior. Certains médicaments qui sont éliminés essentiellement par les reins risquent en effet de s’accumuler dangereusement. Surtout lorsque le patient est à risque, c’est-à-dire diabétique, hypertendu ou atteint d’une anomalie rénale telle la polykystose rénale.
Cette maladie héréditaire relativement fréquente (80 000 à 100 000 personnes en France) diagnostiquée par échographie et IRM, se caractérise par la présence de kystes plus ou moins nombreux et de tailles diverses. Elle évolue lentement et ne conduit pas systématiquement à une insuffisance rénale nécessitant la dialyse ou la greffe, mais une bonne hygiène de vie ainsi qu’une surveillance rapprochée sont indispensables.
Syndrome d’Alport et maladie de Berger
Également héréditaire, le syndrome d’Alport, responsable d’un défaut de filtration du sang associé à des troubles auditifs, voire oculaires, peut aussi entraîner une insuffisance rénale, mais surtout chez les garçons entre 15 et 30 ans, et à partir de 40 ans chez les femmes.
Autre cause de maladie rénale chronique, la maladie de Berger, affection auto-immune purement rénale (1 500 nouveaux cas par an en France) dépistée via une analyse d’urine (présence de sang et/ou de protéines) et une biopsie rénale pour confirmer le diagnostic. D’évolution variable, elle conduit dans 20 à 30 % des cas à une insuffisance rénale au bout de vingt ans, et nécessite la dialyse ou une transplantation rénale dans 5 % des cas.
Qu’est-ce que la créatinine ?
La créatine est une protéine naturellement présente dans les muscles qui l’utilisent comme énergie. La créatinine, déchet provenant de la dégradation de cette créatine après usage, passe dans le sang pour être filtrée par les reins, puis évacuée dans l’urine. Lorsque les reins fonctionnent mal, la créatinine n’est pas suffisamment éliminée, d’où son taux anormalement élevé dans le sang. Le dosage de la créatininémie (créatinine sanguine) permet ainsi d’évaluer la fonction rénale. Plus le taux de créatinine dans le sang est élevé, plus l’insuffisance rénale est grave. La créatininurie permet, elle, de mesurer le taux de créatinine dans les urines, c’est-à-dire après filtration par les reins. En cas d’insuffisance rénale, le taux de créatinine urinaire est abaissé puisqu’elle n’est pas correctement filtrée.
Infos +
• Réseau solidaire France Rein : francerein.org
• Fondation du Rein : fondation-du-rein.org
• Association PolyKystose France (PKD France) : polykystose.org
• Association pour l’information et la recherche sur les maladies rénales génétiques : airg-france.fr