Les maux de dos

Les maux de dos
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Une douleur vive au dos qui réveille en deuxième partie de nuit ? Des raideurs lombaires persistantes le matin ? C’est peut-être un mal de dos inflammatoire chronique.
 
Mal de dos, mal du siècle, dit-on. Du XXe siècle et plus encore du XXIe siècle puisque les chiffres ne cessent d’augmenter. En France, c’est la première cause de consultation dans les centres anti-douleur et, à elles seules, les lombalgies, des douleurs localisées au bas du dos, occasionnent 6 millions de consultations chez le médecin généraliste. Autre chiffre qui montre l’ampleur du fléau : 1 personne sur 5 souffre de mal de dos chronique, c’est-à-dire depuis au moins trois mois.

24 vertèbres mobiles

Notre colonne vertébrale, appelée rachis dans le jargon médical, formée d’un empilement de 24 vertèbres, est pourtant bien adaptée aux bipèdes que nous sommes. Les 7 premières vertèbres, les cervicales, sont très mobiles. Les 12 vertèbres dorsales, articulées avec 12 paires de côtes, forment la cage thoracique. Les 5 vertèbres lombaires, plus volumineuses, supportent le maximum de charges et de contraintes. Au centre, dans le canal rachidien, les vertèbres protègent la moelle épinière (ne pas confondre avec la moelle osseuse) qui assure la connexion entre le cerveau et le reste du corps. La mobilité est assurée par les disques intervertébraux qui, tels des amortisseurs, servent à absorber les chocs et à répartir les pressions. Des ligaments et des muscles puissants solidarisent les vertèbres et maintiennent les trois courbures naturelles : la nuque, l’arrondi du dos, le creux des reins.

La sédentarité responsable des lombalgies

Ce système ingénieux, semi-rigide, permet de se tenir debout, de marcher, de se pencher en avant, de s’étirer, de tourner la tête. Mais, dans nos sociétés modernes, nous bougeons peu. Au lieu de grimper aux arbres, de courir à la chasse, de nous accroupir, nous restons trop souvent assis et dans des mauvaises postures... C’est essentiellement à cause de la sédentarité – et du surpoids – que notre dos d’Homo erectus souffre autant.  

Lumbago, sciatique... aïe, aïe, aïe !

Nous disons souvent « j’ai mal au dos »… Mais si l’on veut être précis, quand la douleur se situe au cou c’est une cervicalgie (algie signifiant douleur), au milieu du dos une dorsalgie et au niveau des lombaires une lombalgie. Quelle que soit la localisation, il ne s’agit pas d’une maladie en soi mais d’un signal d’alarme, d’un symptôme traduisant un problème. Dont il faut trouver la cause et un traitement adapté pour éviter une évolution vers la chronicité.

Plein le dos !

Les lombalgies sont les douleurs de dos les plus fréquentes. Plusieurs facteurs entrent en jeu. Primo, un mode de vie trop sédentaire qui entraîne une diminution des muscles abdominaux et du dos au profit de la masse grasse. S’y ajoutent des mauvaises attitudes, des gestes inadaptés, mais aussi le stress et les problèmes psychiques et sociaux. Le dos est en effet en relation avec le mental. Quand nous sommes fatigués, stressés, déprimés, bref quand nous « en avons plein le dos », la colonne vertébrale peut faire souffrir. Mais les facteurs psychiques et physiques sont souvent intriqués, ce qui peut compliquer le diagnostic et entraîner une surmédicalisation alors que le vrai problème est ailleurs.

Lombalgies aiguës ou chroniques

Le lumbago – le fameux « tour de reins » sans rapport avec les reins – est la plus fréquente des lombalgies, la plus spectaculaire aussi. Un effort violent ou inhabituel, un faux mouvement ou même un éternuement, et aïe ! La douleur est intense et le dos bloqué ou raide. Impossible de se redresser ou de se tenir droit et nous voilà forcé de nous tenir « le bassin de travers » pour atténuer la douleur. C’est un début de détérioration du disque intervertébral qui s’enflamme et se fissure, mais un lumbago dure rarement plus de 15 jours. Avec une lombalgie dite commune on ne se penche pas en avant ou sur le côté, même quand celle-ci apparaît brutalement. Les lombalgies aiguës durent en général moins de 2-3 semaines – mais attention aux lombalgies moins douloureuses qui s’installent progressivement et peuvent devenir chroniques.

Douleurs dorsales à tous les étages

À la faveur d’une poussée d’arthrose ou d’une hernie discale, la lombalgie peut se compliquer d’irradiations nerveuses dans la cuisse et la jambe. Ainsi, la sciatique, avec sensation de fourmillements, de décharge électrique ou d’engourdissement, est due à la compression du nerf sciatique qui innerve la jambe en traversant la fesse. La cruralgie irradie, elle, dans l’aine, en avant de la cuisse jusqu’au genou et parfois plus bas. Les cervicalgies sont souvent dues à une mauvaise position de la tête, chez ceux qui travaillent sur écran par exemple. Mais le froid, l’humidité, les courants d’air, la fatigue, le stress favorisent aussi les contractures musculaires au cou, d’où des douleurs. Le « coup du lapin » et le torticolis sont également pénibles. Moins fréquentes, les dorsalgies sont généralement favorisées ou déclenchées par la fatigue, des mauvaises attitudes prolongées, un effort de torsion du tronc.

Impératif pour traiter les dorsalgies : bouger

Le repos est certes parfois nécessaire, mais le plus court possible. Prolongé, il est nocif, notamment parce qu’il fait fondre les muscles et du coup... favorise le mal de dos. Au contraire, il faut reprendre ses activités pour éviter le passage à la chronicité. Calmer la douleur est donc la priorité. Le traitement varie selon l’intensité, la durée, la localisation et le type de mal de dos. Mieux vaut donc demander l’avis de son pharmacien ou de son médecin. Aujourd’hui, l’éventail des traitements est large, depuis les médicaments antalgiques, anti-inflammatoires, corticoïdes, décontracturants jusqu’à la chirurgie, en passant par les packs chauffants, les injections locales, les infiltrations, les manipulations (par un médecin spécialiste), la kinésithérapie et l’ostéopathie. Les accessoires de soutien (ceinture lombaire, collier cervical), eux, soulagent et permettent d’éviter les mouvements nocifs. Mais pour prévenir récidives ou chronicisation, il faut impérativement revoir ses attitudes et ses gestes. Pour ramasser un objet par terre, soulever une charge, conduire, passer l’aspirateur... Et apprendre des exercices spécifiques d’étirement, d’assouplissement et de renforcement des abdominaux, des muscles du cou, du dos et des fessiers. Quand les épisodes de lombalgie se répètent, des séances dans un centre de reconditionnement à l’effort (« école du dos ») ou de rééducation sont utiles.  

Réponses d'expert : Un organe annexe en cause dans les maux de dos ?

Jean-François Harvey
Ostéopathe*
Chaque organe étant relié par des nerfs à une zone de la colonne vertébrale, l’irritation chronique d’un organe peut modifier le signal nerveux dans la zone correspondante de la colonne. Exemple : les nerfs de l’estomac proviennent des vertèbres situées entre les omoplates et de la base du crâne. Un reflux gastrique chronique peut ainsi causer une douleur entre les omoplates. Par ailleurs, certains organes sont rattachés à la colonne et un problème peut se répercuter sur le dos. Par exemple, des intestins fragiles, avec des ballonnements importants, peuvent engendrer des tensions dans le bas du dos.

*Auteur de « 80 exercices pour en finir avec le mal de dos ». Avec DVD. Éd. Médicis, 2014.
   

Une hernie discale, c'est quoi?

Le disque qui sert d’amortisseur entre deux vertèbres est formé d’une coque fibreuse qui renferme un noyau gélatineux. Si la coque se fissure ou se fend, la substance gélatineuse s’échappe hors du disque et forme une petite saillie, une hernie. Laquelle peut provoquer inflammation, douleur, voire compression du nerf sciatique ou crural.
   

Quand la colonne se déforme

  Sans arrêt penchés sur leur ordinateur ou leur tablette, avachis sur le canapé, les enfants et les ados mettent leur dos à dure épreuve. Or, c’est pendant la croissance que la colonne vertébrale est la plus fragile. Les mauvaises attitudes adoptées dans l’enfance peuvent, à la longue, causer des lombalgies – qui iront en s’aggravant à l’âge adulte – et jouer un rôle dans les déformations du dos.  

Des ados au « dos rond »

« Tiens-toi droit » a-t-on entendu toute son enfance... Et on le répète à son tour à ses enfants. Avec raison car le dos voûté et les épaules tombantes projetées en avant signent une cyphose, c’est-à-dire une accentuation de la courbure du dos au niveau des dorsales (le « dos rond »). Mais il s’agit plus d’une mauvaise attitude que d’une déformation et elle peut se corriger immédiatement. Cela dit, il faut inciter un adolescent de 12-16 ans qui se tient voûté et se plaint de douleurs à consulter car il peut s’agir d’une anomalie de la croissance des vertèbres : la maladie de Scheuermann. Cette pathologie s’améliore d’elle-même après la croissance mais des douleurs sont possibles à l’âge adulte. La kinésithérapie et le port d’un corset sont utiles pour calmer la douleur. Et les sports qui musclent et favorisent l’étirement de la colonne sont conseillés : danse, stretching, natation sur le dos, volley... En revanche, pas de judo ni de rugby.

Dépister la scoliose

C’est surtout la scoliose – la colonne vertébrale est incurvée en S –, quatre fois plus fréquente chez les filles, qui doit alerter. Au début, elle n’entraîne pas de douleur mais risque d’évoluer sournoisement puis de s’aggraver rapidement durant la puberté. Or, plus elle est précoce, plus elle risque d’être grave. Il faut donc être vigilant avant les premiers signes de puberté. Quand la déformation est légère, des séances de kiné permettent de muscler et conditionner l’enfant aux bonnes postures pour, non pas corriger la scoliose mais la limiter. Pas de cartable, mais un sac à dos à deux bretelles. Le port d’un corset n’est indiqué qu’en cas de déformation importante et la chirurgie pour les scolioses graves.  

Conseils de pharmacien : prenez soin de votre dos pendant la grossesse

Une femme enceinte sur deux souffre des lombaires. Pour plusieurs raisons mais surtout à cause du poids du bébé qui déplace vers l’avant le centre de gravité du corps et oblige à compenser par une hyperlordose lombaire. Pas d’aspirine ni d’ibuprofène pour soulager ces douleurs, mais du paracétamol.
 

À savoir

Non, excepté en cas de traumatisme important (accident de la route, chute...), une vertèbre ne se déplace pas, c’est une impression. En fait, un mouvement inapproprié a déclenché automatiquement une contracture des muscles pour le bloquer et la vertèbre se trouve coincée entre muscles et ligaments. L’ostéopathe ne la remet donc pas en place. Le craquement qui peut se produire au cours d’une manipulation est le bruit provoqué par la création d’un vide articulaire, comme quand on décolle une ventouse d’une vitre.
     

Mal de dos : et si c’était un rhumatisme inflammatoire ?

  Contrairement aux douleurs de dos mécaniques, causées par le port de charges, des efforts physiques ou des mauvaises postures, le mal de dos inflammatoire chronique est dû à une maladie auto-immune sous-jacente. La spondylarthrite ankylosante principalement qui correspond à une inflammation au niveau du rachis et du bassin surtout. Mais on peut confondre.

Diagnostic trop tardif

La maladie est hélas diagnostiquée sept ans en moyenne après le début des symptômes ! À cause de la banalité des maux de dos et du manque d’information. Pourtant, cette maladie présente des caractéristiques qui mettent sur la voie. Les douleurs et les raideurs sont améliorées par l’exercice physique mais jamais calmées par le repos. Les douleurs nocturnes réveillent souvent dans la deuxième partie de la nuit. Les raideurs matinales et le « dérouillage » durent plus de 30 minutes. Par ailleurs, la maladie apparaît avant l’âge de 40 ans. Il existe une prédisposition génétique puisque 90 % des malades sont porteurs de l’antigène HLA-B27, mais des facteurs environnementaux entrent vraisemblablement aussi en jeu.

La révolution des anti-TNF alpha

Quand les symptômes évocateurs persistent, des examens approfondis sont indispensables, notamment une IRM (imagerie par résonance magnétique) et une analyse de sang pour rechercher la présence de l’antigène HLA-B27. Une fois le diagnostic posé, le traitement est réévalué car les médicaments habituels pour les crises, antalgiques, anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS), corticoïdes, sont souvent insuffisants et un traitement de fond est nécessaire. L’arrivée des biothérapies, les anti-TNF alpha, a bouleversé la vie d’une grande majorité de malades. Ils ne guérissent pas mais réduisent considérablement les douleurs, les destructions articulaires, l’ankylose et les complications qui surviennent avec les années.  

Témoignage : Le mal de dos dès l'âge de 7 ans

Lionel Comole
directeur et porte-parole de la fondation Arthritis*
J’ai 40 ans, je suis marié, j’ai deux enfants et je vais bien – mais ma maladie a commencé tôt. La journée je n’allais pas trop mal, je faisais du sport et même du ski de compétition. Mais mes douleurs se sont aggravées. On pensait que c’était la croissance, que je faisais trop de sport ou que c’était psychologique... Finalement, un rhumatologue de ville qui venait de suivre une formation sur les rhumatismes inflammatoires chroniques (RIC) a pensé à une spondylarthrite. J’avais 23 ans et je travaillais comme ingénieur auto chez Renault. Mes douleurs étaient si atroces que j’étais devenu dépendant à la morphine. Vers 24-25 ans, j’ai bénéficié de l’arrivée des biothérapies. Un mois après le début du traitement, j’ai repris la course à pied puis refait du sport automobile. Je voulais aider les malades comme moi et je suis devenu porte-parole de la fondation Arthritis en 2008, puis directeur. Aujourd’hui, grâce aux dons et au soutien de sociétés privées, dont Clarins à l’origine de la Fondation, nous finançons des projets de recherche et nous informons pour que la spondylarthrite et les autres RIC soient détectés plus tôt et mieux pris en charge.

* Son livre, La colonne bambou, est vendu au profit de la fondation Arthritis. www.fondation-arthritis.org