Lorsque des chats se retrouvent ensemble, il est parfois difficile de savoir s’ils jouent ou s’ils se bagarrent… Pourtant, savoir interpréter les interactions sociales est important pour veiller au bien-être des félins qui cohabitent et limiter les comportements indésirables liés au stress (griffades, marquage urinaire, etc.).
210 chats étudiés à la loupe
Des experts du comportement félin ont analysé les vidéos de plus d’une centaine d’interactions entre chats (210 en tout) pour tenter de tracer une frontière entre le jeu et l’agression. Ces vidéos émanaient de propriétaires de chats mais aussi de YouTube. Il s’agissait de chatons dans 18 % des cas et les vidéos duraient en moyenne 2 minutes et 2 secondes. L’action se déroulait soit à l’intérieur (61 %), soit à l’extérieur (39 %).
La lutte, une forme de jeu
Plus de la moitié des chats observés dans les vidéos choisies aléatoirement ont été décrits comme jouant et, évidemment, les chatons étaient largement représentés dans ce groupe de chats « joueurs » !
Paradoxalement, la lutte face à face est largement associée au jeu (lorsque des chats sont en conflit, ils évitent d’entrer en contact physique) et ce comportement est observé très tôt chez les chatons, dès l’âge de 4 semaines ! Des petits qui jouent alternent les séquences d’observation mutuelle avec les phases « ventre-à-ventre », les pas de côté, les bonds, etc. Les adultes peuvent aussi « jouer à se battre » mais ils ont alors tendance à produire plus de sons (à vocaliser).
Pour autant, toutes les luttes ne sont pas synonymes de jeu et la notion de réciprocité est importante à considérer. Pour se convaincre que les chats prennent tous deux du plaisir à cette activité, il faut vérifier que les rôles s’inversent régulièrement au cours des bagarres (entre le chat qui est dessous et celui qui est au-dessus).
Des liens entre conflit et évitement
Environ 30 % des interactions filmées ont été qualifiées d’agonistiques, c’est-à-dire qu’elles étaient l’expression d’un conflit. Ce type d’interaction se caractérise notamment par des vocalisations : un chat qui émet de nombreux sons à l’attention d’un congénère cherche en général à l’intimider, ce qui est très utile pour faire la différence avec le jeu.
La poursuite est un critère plus ambigu mais important. Si un chat en course un autre et que les rôles alternent entre le chasseur et le chassé, cela peut être un comportement de jeu, mais la fuite peut aussi signifier que le chat qui part veut mettre fin à l’interaction.
En dehors de ces « duels » ritualisés, les conflits entre félins s’expriment beaucoup par des postures menaçantes, pas toujours remarquées par les propriétaires : regard fixe, mouvements nerveux des oreilles et de la queue, poil hérissé, etc.
Chez le chat, la position accroupie (le chat est à moitié assis) peut être interprétée comme de la soumission. Ceux qui ressentent un stress intense ont aussi tendance à beaucoup se toiletter et à se lécher les babines.
Une forme intermédiaire existe
Dans 15 % des vidéos, les experts avaient du mal à faire la différence entre le jeu et la bagarre. Il s’agit en fait d’un stade intermédiaire : les comportements interactifs prédominent mais la relation entre les chats peut évoluer très rapidement vers la « rupture sociale » s’ils n’ont pas les mêmes attentes.
C’est le cas lorsque deux chats se connaissent bien mais que l’un ne veut pas jouer à un moment donné, ou qu’il accepte mal le rôle de « proie » que l’autre veut lui attribuer. La réponse est alors parfois violente. Elle peut apparaître avant que le jeu ne commence ou au cours de celui-ci, quand l’un des chats décide d’arrêter.
Une cohabitation pas toujours sereine
La vie entre chats n’est pas toujours un long fleuve tranquille. Selon leur humeur, les types d’interaction peuvent varier d’un jour à l’autre, voire d’un moment à l’autre au cours d’une même journée.
Le fait d’observer quelques séquences conflictuelles entre deux chats ne veut pas dire que leur relation générale est mauvaise. Un incident unique ne peut prédire la relation, de même que des rencontres agonistiques peuvent ne pas influencer les rapports entre deux félins. Par exemple, lorsque deux chats se frottent souvent l’un contre l’autre, font la toilette de l’autre, ont tendance à dormir en contact étroit, partagent leurs ressources et se saluent avec les oreilles dressées, des bagarres occasionnelles ne doivent pas inquiéter outre mesure. Cependant, si les signes indiquant que les chats font partie du même groupe social sont ambigus, comme lorsqu’ils dorment à proximité les uns des autres mais n’ont jamais de contact physique étroit, que l’allorubbing (ou allomarquage, échange de phéromones par frottements) n’est pas souvent présent, que les séances d’allogrooming (toilettage mutuel) se terminent souvent par de l’agonisme, et que leurs interactions ne sont qu’occasionnellement réciproques, avec peu ou pas de lutte et quelques vocalisations, cela peut indiquer une tension, avec des risques pour leur santé physique et mentale.
Ces résultats fournissent des preuves pratiques qui peuvent être utilisées pour aider les propriétaires à détecter les signes de tension entre les chats dès les premiers stades. Une détection précoce et une présentation à un professionnel du comportement clinique devraient permettre de mieux gérer la relation et d’éviter des problèmes qui pourraient conduire à l’abandon de l’un ou des deux chats.
Trois types d’interactions
Les interactions étroites entre chats doivent être classées en trois catégories : ludiques (affiliatives), intermédiaires et agonistiques (relevant de l’agressivité). Lorsque les chats sont jeunes et qu’ils luttent sans vocaliser, il est fort probable qu’ils jouent. En revanche, en cas d’inactivité prolongée, de vocalisation et de poursuite, une telle interaction peut ne pas répondre aux exigences du jeu social mutuel et est contrebalancée par un certain degré de réponse agonistique.